Le Plaisir ET la Forme

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12.11.25

Les Déjeuners improvisés du "Pape François"

 Une mise en "cène" biblique pour disciples de Dionysos

On ne présente plus François Audouze (FA) ni les fameux dîners de son Académie des Vins Anciens, ni les très hauts de gamme Wine Dinners. Plus rares sont ceux qui ont eu la chance de participer aux déjeuners informels réunissant quelques fidèles ou admirateurs dans une de ses cantines favorites où chacun contribue aux agapes par 1 ou 2 flacons susceptibles de faire frétiller les papilles du maître de cérémonie. Le déjeuner du 5 novembre c'est ainsi construit au fil des semaines en regroupant plusieurs propositions de rencontre et de flacons qui lui avaient été faites. Le lieu choisit par FA était le restaurant Pages (1 étoile au Michelin) qui se distingue par son élégante sobriété et sa cuisine grande ouverte sur une petite salle où officie la brigade du talentueux Chef Teshi. J'arrive sur le coup de 10h15, juste après François, pour l'aider à ouvrir les bouteilles livrées pour la plupart les jours précédents. Ce cérémonial commence par les vins les plus anciens pour leur offrir le temps de reprendre leur souffle après une si longue claustration par la grâce de l'oxygénation lente. Une fois le bouchon extrait, non sans peine, François introduit dans le goulot avec une sensualité non dissimulée son "doigt magique" pour ressusciter des limbes le breuvage, tel un baiser sur les lèvres de la Belle au bois dormant. Cette opération s'achève dans une grande béatitude alors que le premiers invités arrivent. C'est le moment choisi par son éminence pour apparaître au balcon et donner aux bouteilles, classées dans leur ordre de dégustation, sa bénédiction urbi et orbi
Vient ensuite le moment de passer à table où nous bénéficierons du service efficace et attentionné de Pierre-Alexandre et de son équipe. Nous sommes 6 (au lieu de 12) réunis autour du Messie des vins anciens pour ce moment qui s'annonce glorieux. François est toujours d'une grande exigence, qui a probablement contribué à sa réussite dans les affaires, et rien n'échappe à son oeil averti. A l'exception des dîners de l'Académie, pour tous les repas qu'il organise, c'est les plats qui doivent s'adapter aux vins et non le contraire. C'est pourquoi il se sent à l'aise avec la cuisine épurée de Pages élaborée autour de mets de haute qualité ainsi qu'en atteste le menu décliné en 4 chapitres tel un évangile selon Saint François. 1ère Série VINS : Champagne Krug "Clos du Mesnil" 2009 (1); Champagne Krug "Private Cuvée" 1960-1970 (2); Chablis Grand Cru "Les Clos" Laroche 1988 (3); Mersault 1er Cru Les Charmes Comtes Lafon 1999 (4) / METS : Filet de Barbus; Pavé de Daurade; Carpaccio de Wagyu - 2ème Série VINS - Château Léoville Poyferré 1953 (5); Château Léoville Poyferré 2003 (6); Château Haut-Brion 1943 (7); Pommard "Cuvée Roland" Domaine Thevenin 1943 (8) / METS : Maigre sauce vin rouge; Canard sauce vin rouge, champignons - 3ème Série VINS : Chambolle Musigny Domaine Cabet Frères 1947 (9); Vega Sicilia Reserva Especial 1962, 1964, 1968 (10)/ METS : filet de Wagyu - 4ème Série VINS : Château Chalon Fruitière Viticole de Voiteur 1969 (11); Sauternes inconnu années 20 (12); Rivesaltes Gérard Bertrand 1974 (13); Eau de Vie de Chartreuse 1931 (Hors concours) / METS : Comté 36 mois; Financiers à gogo.
Arrive le moment tant attendu des votes à bulletin secret pour déterminer les 5 vins préférés du repas. François collecte les bulletins, se recueille jusqu'à qu'une fumée blanche jaillisse et forme une auréole au dessus de sa tête. La messe étant dite, les résultats sont solennellement annoncés aux fidèles qui peuvent confesser leurs impressions. Classement général : (9),(2),(10),(7),(1) Classement FA : (7),(1),(2),(9),(10) Classement RJV : (2),(6),(11),(10),(7). Sans prétendre prêcher des convertis, ma préférence pour le Léoville Poyferré 2003 s'explique par son profil particulièrement épanoui, élégant et équilibré qui aurait enchanté nombre de passionnés de Grands Crus Classés de Bordeaux que je connais. Mais il est vrai que son goût n'était pas aussi surprenant que les autres concurrents en lice. Le Léoville 1953, dont certains ont apprécié le côté subtil, a certainement souffert de la comparaison face à des vins parfaits et toujours à leur apogée malgré un âge respectable. Quant au duel des Champagnes où le céleste Krug années 60-70 a surpassé l'excellent Clos du Mesnil 2009, il reflète le niveau stratosphérique des nectars que nous avons bus, à faire se retourner dans son bunker poitevin le frère MJC. Tous les communiants sont repartis aux anges vers leurs paroisses respectives en priant le "Pape François" d'organiser à nouveau une célébration aussi divine. Les vins anciens, buvez les tous Dionysos reconnaîtra les siens... 
RJV

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