Le Plaisir ET la Forme

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25.3.20

Les Petites Journées en Bourgogne "Vin-Vin"

Rencontres intimistes avec les Alchimistes des Climats

L'annulation, inédite depuis leur création en 1992, pour cause de Coronavirus des Grands Jours de Bourgogne initialement prévus du 9 au 13 mars (et reprogrammés en 2021) à fait l'effet d'un coup de tonnerre dans le monde du vin. Ce prestigieux salon itinérant, pour lequel j'avais bénéficié d'une accréditation "presse" en 2018,  accueille tous les 2 ans environ 2500 professionnels accourus des 4 coins du globe. Le moment de sidération passé, à peine rentrés d'une mémorable immersion au firmament des fines bulles champenoises en compagnie du passionné Expert-Consultant en Gastronomie Manuel Da Motta Veiga, nous décidons de reprendre la route en direction du sud à l'initiative de mon infatigable compère Sommelier émérite Alain Ségelle (Monde Vivant du Vin)
JOUR 1 Sous de froides averses, première escale au Domaine Alain Vignot à Paroy-sur-Tholon (89), exploitation cultivant 12 ha de vignes essentiellement sur la Côte Saint-Jacques, une appellation méconnue à l'extrême nord du Grand Auxerrois : savoureux Pinot Gris ("Beurot") 2019 à petit prix. Nous enchaînons avec le Domaine Pascal Henry (15 ha), à Saint-Cyr-les-Colons en bordure du sud-ouest chablisien, chaleureusement accueillis par son épouse Pascale : l'occasion d'un premier Chablis 2019 tout juste mis en bouteille mais goûtant déjà remarquablement bien. Pause déjeuner bienvenue à La Beursaudière (89 - Nitry), une auberge de charme proposant des desserts exquis comme "La rose des sables" (brownie et ganache noisette, fines feuilles de chocolat et gavottes citron). Requinqués par ce repas, nous repartons pour Vosne-Romanée, saint des saints de la Côte de Nuits, où le Domaine Armelle et Bernard Rion avait improvisé une belle dégustation de "copains vignerons" : parmi les 12 cuvées produites par les maîtres des lieux, un coup de cœur pour la souplesse veloutée du Pernand-Vergelesses Rouge "Les Boutières" 2018. Puis direction Beaune pour rejoindre notre habituel Q.G. Au Raisin de Bourgogne, chambres d'hôtes avec petit-déjeuner gastronomique incontournable concocté par le truculent ex-Chef Didier. Une fois arrivés à "bon porc", nous mettons le cap vers le restaurant Le Goret qui peut se targuer de ne plus proposer d'entrées tellement les plats de cochonnailles sont copieux et gourmands !
JOUR 2 C'est à Villers-La-Faye, un bourg situé en Hautes Côtes entre Nuits-Saint-Georges et Beaune, qu'Arnaud Boué a décidé de mettre à profit son expérience de Responsable Technique d'Exploitation pour créer son activité de Négociant-Vinificateur. Privilégiant des partenariats avec des vignerons respectueux de la nature et des terroirs (bio, biodynamie) il compose chaque cuvée comme une oeuvre dans son mini-chai s'apparentant à un atelier d'artiste : excellent Nuits Saint-Georges 1er Cru "Les Chaboeufs" 2018 (échantillon sur cuve). Dans le cadre des Grands Jours de Bourgognes, une série de dégustations "off" avait été programmée dont quelques-unes ont été maintenues pour notre plus grand bonheur. Les Tontons Trinqueurs réunissait au Domaine Chantal Lescure (18 ha certifiés en bio) à Nuits-Saint-Georges une bonne trentaine de vignerons, issus à parts égales de Bourgogne et des autres vignobles de France, attachés aux valeurs de partage et de convivialité. Un des partenaires de l'évènement était les verres Sydonios, dont le design éthéré associé  à une grande précision technique subliment la finesse et l'énergie des vins. Puis, dans la même veine, la Punition Collective organisée dans le chai du Domaine Françoise André à Beaune (7,5 ha en approche biodynamique) autour de 25 vignerons, dont la moitié de non-Bourguignons. Ambiance chaleureuse agrémentée par un généreux buffet. La soirée s'est achevée par un verre au "Bout du Monde", bar beaunois affichant une carte des vins et alcools (plus de 40 références de Rhum !) impressionnante.

JOUR 3 Premiers cas d'infection au Covid-19 détectés dans la région mais, en cette fin d'hiver trop doux, les viticulteurs semblent plus préoccupés par la menace d'un gel survenant après un réveil végétal précoce. En début de matinée visite de la Maison Louis Picamelot à Rully (71), spécialisée depuis 1926 dans la production de "Bourgognes mousseux" de haute qualité (300 à 350 mille cols par an). Le bâtiment rénové, hébergeant les bureaux et les caves en étage adossées à la falaise, évoque une cathédrale futuriste élevée à la gloire de Dionysos : belle gamme de Crémants aux dosages judicieux et sulfitages modérés (50 mg/l en moyenne), dont plusieurs millésimés n'ayant rien à envier à des bons Champagnes. Au bout d'une douzaine de kilomètres en direction de Châlon-sur-Saône, nous arrivons à Dracy-le-Fort au Domaine Deliance, accueillis par la sympathique Perrine, représentant la 3ème génération. Le cadre est beaucoup plus sobre que celui de notre visite précédente, mais les bulles des Crémants sont tout aussi fines et soyeuses :  un test comparatif nous prouve que les  Blancs de Noirs sont beaucoup plus expressifs dans un verre à vin que dans une flûte, et le Givry (Rouge) 1er Cru "Clos de Servoisine" 2018 nous fait saliver à l'approche de midi par l'évocation d'un possible accord original avec une volaille sauce cacao. Au nord de la Côte Chalonnaise, arrêt à Mercurey au Domaine Duvernay P & F (œnologue = fille Floriane) où nous retrouvons dans le nouveau caveau panoramique de dégustation de joyeux touristes québécois : parmi les nombreuses cuvées primées, le Mercurey rouge "Floriane" 2015, médaille d'or du concours Féminalise 2017 séduit par son intensité aromatique non dénuée de finesse. Retour sur Beaune pour un mémorable "off" non programmé des Climats de la Côte Châlonnaise dans l'ambiance recueillie de la Cave du Couvent des Cordeliers (13ème siècle). Une dizaine de vignerons y présentaient une sélection de leurs meilleures cuvées, dont plusieurs Blancs 2017 confirmant leur subtil profil gastronomique (déjà détectable sur les échantillons tirés sur cuve en 2018) et Rouges 2016 affirmant leur potentiel de garde. Rencontre avec Pierre de Benoist qui conduit depuis 2003, avec la même ferveur discrète que son illustre oncle, le Domaine (A. et P.) de Villaine acquis en 1971 par ce dernier : son Bouzeron 2018 dévoile tous les charmes de l'aligoté doré, mais nous fait surtout prendre conscience de l'importance du sens de rotation du nectar dans le verre car, comme aurait pu l'affirmer le Petit Prince de Saint-Exupéry, "on ne boit bien qu'avec le cœur". Sur un plan vibratoire, on saisit mieux que l'entrée en résonance de l'essence d'un vin avec  le squelette, notre ultime incarnation terrestre, conditionne son accès à l'âme (une simple "histoire d'os" en fait !). En soirée, la modeste appellation Monthélie (encadrée par celles de Volnay et Meursault), organisait sa dégustation King Size dans le bar La Parenthèse : les Blancs et Rouges, Village et 1er Crus, amenés par 5 amis vignerons motivés ont fait honneur à leurs 2 prestigieux voisins, et les gaufres (maison) au vieux gouda ont contribué, par une agréable touche sucrée-salée, à la réussite gustative de l'évènement.

JOUR 4 Une douce lumière baigne enfin les côteaux. Au cœur de Beaune, nous sommes reçus (en respectant des "gestes barrières" !) à la Maison Louis Jadot, vénérable institution du négoce bourguignon, par Nicolas Dupuis, responsable export Amérique du Sud; la visite étant initialement prévue pour un talentueux jeune confrère Sommelier péruvien (Erick Calienes) qui a dû anticiper son retour avant la fermeture des frontières. Les installations de vinification et de conservation des vins sont monumentales, à l'image du récent chai construit sur le nombre d'or. La gamme couvre de nombreux Climats de Chablis au Beaujolais, des Bourgognes génériques au Grands Crus, avec la volonté de valoriser ces terroirs dans la durée : silence respectueux à l'ouverture du Clos Vougeot 2012 encore dans sa  prime jeunesse (rendez-vous dans 10 ans ou plus !). Notre virée inopinée se conclut par une escale  à Morey-Saint-Denis, haut lieu de la Côte de Nuits, dans l'intimité de la cave du Domaine Alain Jeanniard (4 précieux ha à 80% en bio). Assisté par son collaborateur Alexis, Alain est un orfèvre de l'assemblage, comme nous avons pu l'apprécier au travers de 8 cuvées 2019 (tout en équilibre raffiné) encore en fûts et de 8 vins en bouteilles sur les millésimes 2016, 2017 et 2018 (tout en séduction gourmande) : frisson d'émotion en goûtant le Bourgogne Rouge "Quintessence" 2017 alliant la puissance d'une parcelle de Chambolle et la minéralité de celle des  Hautes-Côtes-de-Nuits. En guise de bouquet final, un ratafia Solera 2002, à base de marc 1984 et de fine Pinot Noir "de la grand-mère", mélangés avec du jus de Chardonnay. 
De retour en région parisienne, juste à temps pour le confinement général, j'ai le sentiment de ne pas rédiger cette chronique en vain car, tout compte fait, nos 4 Petits Jours "20-20" ont (presque) tout des Grands....

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