Le Plaisir ET la Forme

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8.12.23

Dîner Mythique du Petit Nicolas de Paris

 Un avant-goût des gouttes de Dieu

Depuis plusieurs années je suis un fidèle des soirées thématiques organisées par Nicolas Nguyen dans différents établissements de restauration parisiens. Sommelier de son état au Café Latin, restaurant sympathique et sans prétention situé dans le quartier éponyme, c'est en organisant ces évènements que ce personnage réservé de nature révèle tous ses talents et partage pleinement sa passion pour la gastronomie. Il ne cache pas son amour presque inconditionnel pour certains crus bordelais (rives droite avant tout mais aussi rive gauche de manière moins éclectique), les vins de la Vallée du Rhône méridionale et ceux de sa Provence natale (notamment le respectable Domaine Gavoty), ni son incompréhension (c'est un euphémisme !) pour les vins issus du pinot noir bourguignon (une conversion miraculeuse n'étant cependant pas exclue !). Fin octobre, avisé que je possédais quelques crus 2007 du Domaine de La Romanée Conti, acquis il y au une douzaine d'années sur les conseils visionnaires de l'ami Bruno Quenioux ("l'homme qui parle à l'oreille d'Aubert de Villaine"), il me demande si on ne pourrait pas organiser ensemble le 6 décembre, jour de la Saint-Nicolas, un dîner haut de gamme sur ce millésime atypique relativement sous-estimé par les critiques oenologiques. Un partenariat entre un homme de chiffres (il se plait à répéter qu'il a une calculette à la place du coeur) et un homme de lettres (qualité que l'on m'attribue) étant de bonne augure, je donne mon accord à condition que le prix en reste accessible à des amateurs passionnés (moins de 500€). Pour mieux apprécier cette limite, il faut savoir que ceux qui aspireraient à déguster au cours du même repas dans un restaurant étoilé les 5 flacons prestigieux initialement choisis, auxquels nous avons rajouté un blanc et un rouge "mystères", ne s'en tirerait pas à moins de 1000 euros par personnes (sous réserve de partager la note entre une dizaine de convives !). Assez rapidement les 8 places invités (en plus de Nicolas et moi) sont réservées par des relations amicales ayant saisi le caractère exceptionnel de cette opportunité. Le Jour J, nous nous retrouvons à 8 hommes et 2 femmes (proportion quasi idéale ?) autour de la grande table dressée au centre de la salle privative du bistrot gastronomique Le Jéroboam, situé dans le 14ème arrondissement, à quelques centaines de mètres de mon lieu de naissance. Le menu truffe à été préalablement concocté avec le talentueux Chef Yann Le Port pour valoriser les nectars servis et se décline ainsi : 1) Ravioles de langoustine et sa bisque truffée  / Champagne « Blanc des Millénaires », Charles Heidsieck 2) Noix de Saint-Jacques grillées, jus de crustacé truffé / Chablis 1er Cru Vaillons, Domaine Vincent Dauvissat + Meursault, cuvée Maurice Chevalier, Remoissenet Père & Fils 3) Paleron de bœuf confit sauce à la truffe et sa purée truffée / Grand Echézeaux, Domaine de la Romanée Conti + Saint-Estèphe 2ème Cru Classé, Cos d’Estournel + Châteauneuf Du Pape, Château de Beaucastel 4) Lemon curd, sablé breton et son sorbet ananas / Sauternes 1er Cru Classé Supérieur, Château d’Yquem.
Quelques précisions et impressions marquantes sur les vins dégustés et leurs accords avec les mets. 1) Le "Blanc des Millénaires" 2007 est seulement la 7ème édition depuis 1983 de la "cuvée de légende" de la maison Charles Heidsieck. Ce B de B particulièrement gastronomique aurait pu nous accompagner jusqu'au dessert. 2) Le Chablis 1er Cru a été pendant un moment dominé par la puissance boisée du Meursault, mais une grande bouffée d'air lui a permis de retrouver son rang et de ramener le Côte de Beaune à un rôle honorable de faire-valoir, tout en s'harmonisant avec les Noix de Saint-Jacques 3) Sur le Paleron de boeuf la concurrence entre les 3 rouges s'annonçait rude. Mais la finesse du Grand Echézeaux, sur un millésime plus que discret, aurait été plus à son aise sur un joli poisson grillé ou une volaille truffée. L'opulent Saint-Estèphe s'est marié parfaitement avec la viande, tandis que le Châteauneuf-du-Pape, seul flacon que nous avons décidé de carafer, a brillé du haut de ses 13 cépages par sa complexité aromatique et sa longue trame tannique délicate. En guise de pré-dessert, j'avais décidé d'offrir 2 carrés d'une tablette de chocolat 72% "Kilombero Valley" pure origine Tanzanie, médaillée au dernier Festival Sens & Chocolat et élaborée en "Bean to Bar" par Olivier Mauchand à la Manufacture Diggers à Lyon. J'avais demandé aux participants de garder une gorgée du du vin du DRC pour expérimenter un accord audacieux avec ce chocolat noir aux étonnants arômes de rose (l'un des marqueurs de la Romanée Conti, avec le sel). L'alchimie a opéré en apportant au vin le supplément de fruité qui lui avait manqué sur le plat. Pour parachever le festin le "roi Yquem", dans la lignée du grandissime 1967 et du subtil 1997,  a mis tout le monde d'accord car ce qui caractérise les plus Grands Crus est bien leur aptitude à se suffire à eux-mêmes lorsqu'ils approchent de leur belle maturité, et à vous combler de bien-être à chaque gorgée sans jamais fatiguer votre palais. Difficile de se séparer après tant d'émotions gustatives, non sans avoir remercier "Nico" de son heureuse initiative. Il lui reste encore un rêve à accomplir, celui de figurer un jour dans son manga préféré au côté de l'une de ses idoles Château Le Puy, un Francs Côtes de Bordeaux en biodynamie dont le millésime 2003 (cuvée "Barthélemy") fût désigné "meilleur vin du monde" dans le 23ème tome de cette bande dessinée nippone bien nommée Les Gouttes de Dieu.. RJ

18.11.23

Escapade Festive automnale en Bas-Berry

Les 70 ans bien arrosé d'un enfant de Saint-Août

Cela fait une bonne dizaine d'années que j'ai fait la connaissance d'Alain Ségelle, Sommelier émérite, puis formateur pendant 20 ans, au sein du Centre d'Information, de Documentation et de Dégustation (CIDD) qu'il avait fondé, de près de 20.000 professionnels et amateurs de tous horizons (filiale au Pérou, etc.) dans le Monde Vivant du Vin. Depuis nous avons parcouru ensemble autant de milliers de kilomètres que goûté d'échantillons dans des centaines de dégustations ou repas gastronomiques (il conduit aussi vite qu'il déguste, d'où le voeu formulé qu'il respecte dorénavant les 70 km/h !). Dimanche 12 novembre, après une étape à Montargis pour la fête annuelle de l'association Espérance 92 fondé par le réputé Guérisseur Jean-Claude Collard, direction le Berry, région de la France profonde où l'on trouve encore de nombreux magnétiseurs et rebouteux, mais surtout réputé pour abriter la maison de l'écrivaine George Sand. Sur ma route buissonnière escale à Vailly-sur-Sauldre, une bourgade du Grand Sancerrois (Cher), pour une délicieuse collation café et gâteaux au citron "Janine" (la grand-mère) au Cerf, ancienne Auberge récemment rénovée en Bar à Vins et Résidence hôtelière grâce à un remarquable financement participatif et solidaire. En fin d'après-midi je pose mes bagages dans l'accueillant et confortable Gîte rural La Cabane parfaitement aménagé par Dominique et Véronique, perdu au milieu du bocage berrichon (que j'ai eu du mal à dénicher, étant dépourvu de GPS) où des amis qui ignorent ma venue avaient réservé la chambre voisine de la mienne ("Rêve Bleu"). 
Souhaitant lui faire une surprise j'avais informé mon ami Alain, prétextant d'un état de convalescence suite à ma longue hospitalisation estivale, que je ne pourrai participer à ses 3 jours de festivités. Le temps de revêtir mon déguisement de sommelier gâteux, boiteux, mal voyant et bègue je file dare-dare vers la salle des fêtes de Saint-Août située à une quinzaine de kilomètres (sans radar !) de mon gîte. Un orchestre folklorique anime la fin du copieux repas servi aux nombreux invités venus des 4 coins de France et même de l'étranger. Je croise plusieurs relations, régulièrement fréquentées sur Paris, qui ne me reconnaissent pas et me proposent même de me servir à boire au vu de mon état de déliquescence. Ce n'est que lorsque je commence à siroter sans vergogne la Chartreuse Verte VEP 1995 que l'on s'intéresse plus particulièrement à mon cas et que je suis enfin démasqué par le héros de la fête. Cette première journée s'achèvent par une réconfortante soupe aux cucurbitacées. 
Le lendemain les agapes reprennent de plus belle avec sur les buffets pléthore de spécialités locales : terrines de gibiers variés, crème à l'ail des ours, fromages de chèvres à différents degrés d'affinage, galettes berrichonnes (mais pas cochonne), coq "en barbouille" (par Yolande Templier), ainsi qu'une abondance de légumes frais du jardin (pour se donner bonne conscience !). Plus de 70 vins de toute nature (effervescents, blancs, rosé, rouge, liquoreux, spiritueux) et appellations (souvent en bio/biodynamie) sont alignés sur l'immense tablée, avec une majorité de grands vins du Bordelais, ainsi que les jolies bougies artistiques ou fantaisie apportées par chacun des participants.  Parmi ses nectars dont les millésimes s'étalent de 1953 à 2022, j'ai plus particulièrement apprécié un magnum de la Cuvée Prestige de Château Tayac 2010 (un des "chouchous" de longue date d'Alain) en présence du Maître de Chai Loic Saturny, un Haut-Marbuzet 1999 Cru Bourgeois Exceptionnel de Saint-Estèphe (parfait accord avec un Brie de Meaux au lait cru), un Gruaud Larose 1983  (Alain avait 30 ans à l'époque !) 2ème Cru de Saint-Julien, des châteauneuf-du-Pape de la décennie 90, quelques Grands Crus et 1er Crus bourguignons, le subtil Crémant d'Alsace "Emotion" de Philippe Schaeffer (50% Pinot Blanc / 50% Chardonnay, avec un élevage sur lattes de 2 ans) et une sympathique Clairette de Die Tradition de la maison Poulet et Fils (en présence du Vigneron Alain et de son épouse). Pour mettre un peu d'animation en fin de journée, j'avais prévu une première dégustation à l'aveugle quelque peu piégeuse. En traversant un village du Loiret le 11 novembre, j'avais acheté la nuit tombée dans une épicerie tenue par le sympathique Omar (qui ne m'a pas tué !) la bouteille la moins chère, un Julien Damoy, vin rouge de la Communauté Européenne à 2,60 €. Je l'avais ensuite transvasé dans une bouteille vide portant la mention "Le VIN DE MERDE - Le pire...cache le meilleur - Vin de Merde - LE VIN DES PHILOSOPHES", dont le libellé provocateur cachait en fait un rouge du Languedoc fruité aux tanins arrondis et aux parfums plutôt savoureux, acheté environ 10 € dans un supermarché. Ce "nectar" de la CEE est servi recouvert d'une chaussette noire à la vingtaine de convives encore présents en leur demandant leur avis sur son pays d'origine, son appellation, ses cépages et son âge. Nous allons alors nous balader des Côtes du Rhône jusqu'en Afrique du Sud en passant par l'Ukraine, de la Syrah au Pinotage, et d'un vin dans sa jeunesse à un vin vieux fatigué. Les réponses les plus pertinentes viennent d'Alain Ségelle (un vin italien de 2016 ou 2107) et surtout d'une artiste canadienne "innocente" (Donna Acheson-Juillet) qui décrète que c'est un "vin européen". Fort heureusement personne ne l'a trouvé excellent, mais aucun n'a osé (peut-être pour ménager ma susceptibilité) affirmer qu'il s'agissait d'un véritable "pisse-froid", et (presque) tout le monde a bien rigoler de cette farce qui rend les meilleurs professionnels bien humbles face la dégustation d'un vin anonyme. Je me ferai pardonner cette filouterie s'apparentant à un crime de lèse-majesté dès le lendemain.
Le mardi 14 est le jour anniversaire d'Alain et celui choisi pour les intronisations à la "Confrérie des Culs d'Ours et des Cabinets d'Vignes en Pays de George Sand". Malgré ma présence non prévue on m'a fait l'honneur de figurer parmi les 8 postulants après m'avoir demandé de présenter un dossier de candidature motivé (réalisé les 2 courtes nuits précédentes). Les membres de l'honorable Confrérie sont présents en grand apparat et font venir 3 par 3 les impétrants dont ils présentent les temps forts du parcours de vie assaisonné par 2 anecdotes croustillantes qu'ils ont fournies préalablement aux Grands Maîtres et Grands Chevaliers. Je suis le dernier à passer et à se voir remettre le diplôme de Chevalier, la médaille et le pin's de la Confrérie avant de prêter serment de défendre pour le restant de mes jours ses valeurs de TERROIR. Cette cérémonie est suivi d'un ultime déjeuner convivial à l'issu duquel je propose une deuxième dégustation à l'aveugle en versant à tous les convives 1ml d'un spiritueux aux reflets ambrés et aux arômes incroyablement gourmands et complexes. Quelques connaisseurs pensent qu'il s'agit d'un grand Cognac, Armagnac ou Calvados, mais on s'oriente rapidement vers un vieux Rhum. La parole est laissée dans un silence respectueux à l'Homme du jour, "Meilleur Nez d'Europe 1988" ("Noeud" pour certaines !). Maître Ségelle esquisse un sourire de ravissement en humant le nectar et nous annonce ému : "Vieux rhum antillais, plutôt martiniquais, d'au moins 50 ans d'âge et probablement un Trois Rivières ; j'adore !" J'enlève la chaussette sous les applaudissements de l'assistance. Il a tout bon sauf le millésime (1953, le premier de l'histoire de la célèbre distillerie) ce qui est normal vu l'énergie qu'ils déploient encore à leur âge (le Rhum et Alain !). Approche l'heure de nous quitter et, après avoir rangé la salle, une dernière surprise attend les rescapés des festivités : la cristalline cuvée Roederer B de B Brut Nature 2012 signée Philippe Stark suivie d'un Château Climens 1953, 1er Cru Classé de Sauternes-Barsac, au nez envoûtant et à la bouche subtile encore pleine de vivacité qui nous a fait entrevoir le "nirvana". A l'issu de ces trois jours de bombance sous les meilleures auspices célestes de Saint-Août (averses incessantes et bourrasques de vent annoncées à 70 km/h !), tels qu'Alain n'en avait pas vécue depuis l'anniversaire de ses 15 ans, nous garderons tous un souvenir éternel des 70 bougies d'un "p'tit gars de nout' Berry", né sous le signe du Scorpion et devenu, à force de travail et de ténacité, un éminent Sommelier d'envergure internationale... RJV

5.11.23

Escapade Tempête automnale et Gastronomie en Bretagne Sud

Quand Poséidon "pète les plombs" Epicure nous rassure

A l'approche de la tempête Ciaran ("de couleur noire en irlandais"), les médias rivalisaient dès mardi 31 octobre de superlatifs sur sa potentielle puissance. Le site de Météo France prévoyait au large du port Le Guilvinec, dans la nuit de mercredi à jeudi, des vents de force 11 avec des rafales à plus de 80 noeuds (160 km/h) et une mer énorme avec des vagues pouvant dépasser 20 mètres de hauteur (un immeuble de 6 étages). Il ne m'en fallait pas plus pour je prenne la direction de l'extrémité ouest de la France mercredi matin. Arrivé en fin d'après-midi sur la commune de Penmarc'h (pointe sud du Finistère), je trouve refuge dans une accueillante chambre d'hôtes (La sirène endormie) au décor africain harmonieux et dépaysant. A la nuit tombée je me rends à la Pointe de La Torche où se trouve une crêperie-restaurant du "bout du monde" particulièrement sympathique et gourmande fort bien baptisé Le Rayon Vert (RV !) que n'aurait pas renié Jules Vernes. Dans le milieu de la nuit le vent se renforce fortement comme prévu me maintenant en éveil quasiment jusqu'à l'aube. 
Debout à 7h, je me rends avant le lever du soleil sur le chemin côtier du quartier de Saint-Guénolé, point stratégique pour les amateurs de sensations fortes où plus de 9 ans auparavant j'avais contemplé la fameuse tempête Petra. La terre y forme une sorte de presqu'île le long de laquelle d'immenses déferlantes défilent sans cesse dans un vacarme assourdissant ponctué par les sifflements des bourrasques, et se fracassent sur les rochers pour former un feu d'artifice d'écume fusionnant avec les nuages (spectacle magnifiquement filmé depuis un hélicoptère en 2014 par le célèbre photographe Philippe Plisson). En ouvrant mon autoradio, j'apprends que toute la région est privée d'électricité et qu'un arrêté préfectoral interdit toute circulation sur le département. En fin de matinée je quitte Penmarc'h et traverse des villes fantômes où tous les commerces et les entreprises sont restés fermés. Les communications téléphoniques sont coupées et même les Terminaux de Paiement Electronique ne fonctionnent plus, obligeant les automobilistes à payer leur carburant en espèces dans les rares stations d'essence ouvertes.
Courte escale dans la jolie station balnéaire de Saint-Brévin-les-Pins (Loire Atlantique) en face des chantiers navals de Saint-Nazaire avec, au hasard d'une balade à pied, un arrêt au Bar-Tabac les Sylphes qui est l'occasion d'échanges conviviaux avec Mathieu et Thomas autour d'une délicieuse bière ambrée belge  dénommée Kwak servie dans un verre aux formes élégantes et originales. Avant de rentrer, je décide de faire une dernière étape gastronomique à La Baule et pose mes bagages dans un charmant hôtel (La Mascotte) à proximité de la grande plage. A quelques centaines de mètres se trouve un établissement (Le 14 Avenue) recommandé par le guide Michelin pour la qualité de ses produits frais de la mer. Par chance ce restaurant de taille intime, très apprécié par la clientèle locale, dispose d'une dernière table libre qui me permet de profiter d'une cuisine exquise (le "Omar ma tué" !) et d'un service irréprochable (voir code postal 44500 dans ma rubrique Restaurants à L.A.I.S.E.).            
Le lendemain, il est temps, après plus de 1300 km à dans les intempéries, de rentrer sur Paris. De cette virée improvisée il me reste des images fascinantes et l'inspiration de quelques vers (verres) poétiques : "Dieu que la mer est jolie quand la belle endormie l'été fini sort de son lit, Dieu que la mer est belle quand par ses vagues rebelles à l'automne elle nous ensorcelle"... RJV

28.6.23

Dîner "Un verre de Pétrus sinon rien"

Rêve d'oenophile devenu réalité

Au fil des années, de nombreuses dégustations professionnelles et personnelles m'ont offert le privilège de goûter à plusieurs reprises la plupart des vins français les plus prestigieux : Dom Pérignon, Romanée Conti, Château d'Yquem, Château Margaux, Château Cheval Blanc, etc. Manquait au palmarès le mythique Pétrus, cuvée emblématique de l'appellation Pomerol, élaboré exclusivement à partir de Merlots d'une moyenne d'âge supérieure à 40 ans ancrés dans un terroir unique de 11,40 ha composé de graves et d'argiles bleues à taux élevé en fer. En décembre 2021 une opportunité s'était présentée avec la dégustation de la  "Caisse Collection Duclot" 2001 (un coffret dans lequel neuf des plus Grands Crus de Bordeaux sont réunis) organisée par l'école parisienne de dégustation Grains Nobles où sont dévoilées chaque année par Aubert de Villaine les dernières cuvées mises sur le marché du Domaine de la Romanée Conti. Comble de malchance le Pétrus était quasi-bouchonné, défaut affectant en moyenne entre 2 à 3% des bouteilles y compris les plus grandes cuvées. Pour me consoler de cette cruelle déception, je me suis mis en quête d'un flacon répondant à mes principales exigences : millésime excellent et à son apogée, bouteille en très bon état de conservation (niveau, capsule, étiquette) et prix acceptable. Après une longue recherche, j'ai jeté mon dévolu sur le millésime 1975 qui réunissait les faveurs des meilleurs experts. Jean-Claude Berrouet, le célèbre artisan-oenologue qui lui a donné naissance, considère dans un entretien de février 2023 à la Cité du Vin de Bordeaux (à partir de la 35ème minute) qu'il s'agit de son "millésime de référence". Déjà dix ans plus tôt, à la première édition de Vino Bravo en 2013, il déclarait que le millésime 1975 était celui dont il était "le plus fier". Ses propos trouvent plus récemment un écho enthousiaste auprès de François Audouze, Président-Fondateur de l'Académie des Vins Anciens, qui relatait dans un bulletin d'avril dernier la dégustation de cette cuvée au cours de son 273ème Wine Dinners : "A ce stade, les convives sont subjugués par la perfection de ces trois vins et par la pertinence des accords. Je les sens assommés par ce démarrage extraordinaire aussi la question est : la suite peut-elle être à ce niveau ? La réponse va venir du Pétrus Pomerol 1975 qui est d’une jeunesse folle, d’une mâche lourde aux grains de truffe noire et d’une longueur rare. Il est racé et le Rouget le met en valeur. Le Rouget avec Pétrus est une de mes coquetteries. Depuis que je présente Pétrus dans mes dîners, c’est toujours avec du Rouget. Aucun des convives n’imaginait qu’un tel accord puisse exister. La perfection du début de repas continue. "
L'envie m'est ensuite venue de partager (à prix coûtant) ce fabuleux nectar avec 5 amis oenophiles réunis autour d'un repas en complète harmonie servi dans un lieu propice au service de cette bouteille d'exception. Il fut donc décidé de revenir sur le "lieux du crime", le restaurant de Grains Nobles et plus, situé presque en face de l'église Saint-Séverin où mes parents se sont mariés le 4 juillet 1957. La boucle serait ainsi doublement bouclée. Nous voilà donc le jeudi 22 juin réuni à 6 autour de la table dressée dans le salon du bar privatisé pour l'occasion, à contempler le fabuleux flacon ouvert 4 heures auparavant en application de la méthode de "l'oxygénation lente" préconisée par François Audouze. Programme sur-mesure des réjouissances : MISE EN BOUCHE : Gougères au Comté du Chef / Champagne Mumm "cuvée René Lalou" 1975 ENTREE : Ceviche de Rouget (avocat, framboises…) / Champagne + Pétrus  PLAT : Tournedos Rossini (filet de bœuf sur pain brioché, foie gras frais, truffe noire du Périgord), pomme de terres rissolées et petits légumes / Pétrus DESSERT : Moelleux au chocolat noir, coulis de fruits rouges maison / Pétrus + Vieux Rhum de Plantation de la Martinique Trois Rivière 1975  DIGESTIF "de méditation" : Vieux Rhum Les convives ont été étonnés, par-delà le nez profond et subtil de truffe noire et la bouche exquisément soyeuse,  de trouver autant de fraîcheur fruitée dans un Pomerol de presque un demi-siècle. Parmi eux, l'éminent Sommelier Alain Ségelle (Monde Vivant du Vin) recordman de participation aux Primeurs de Bordeaux (survivant de sa 38ème campagne d'avril 2023 !) nous a avoué s'être réconcilié avec cette année 1975 dont il trouvait jusqu'à présent les vins plutôt secs et surévalués. Il a néanmoins précisé que pour un accord optimum avec le chocolat noir, il faudrait attendre que les tanins s'assouplissent encore un peu, ce qui en dit long sur le potentiel de garde de ce cru d'anthologie. A l'issu de cette soirée mémorable je me suis endormi avec le secret espoir de m'enivrer à nouveau d'ici quelques années des arômes encore plus sublimes et envoûtants de ce Pétrus 1975. Comme l'écrivait Jacques Brel "Je crois qu'on ne réussit qu'une seule chose, on réussit ses rêves"... RJV

1.4.23

Passage à l'heure des Thés

Digression sur Vin Santé et Thé sans Vin

Vous trouverez ci-dessous le courriel edi-thé sous la dic-thé (désolé pour les fautes d'orthographe !) ce premier avril pour sollici-thé et diligen-thé en toute confraterni-thé Alain S., sommi-thé de la sommellerie (millésime 1953) dont mes fidèles lecteurs plein de perspicaci-thé sauront, à n'en pas dou-thé,  détec-thé sans hési-thé l’identi-thé.

"Je te précise qu’à partir de cet é-thé, pour raison de san-thé décré-thé par un spécialiste habili-thé de la facul-thé, la consommation de vin dont je me déléc-thé sera fortement limi-thé bien contre ma volon-thé. Je compte donc sur ta bon-thé et ton esprit de solidari-thé afin, lors des prochains dîners-dégustation du Monde Vivant du Thé, de pouvoir dégus-thé des infusions de feuilles blanches, noires ou vertes qui soient en accord avec chacun des mets présen-thé, en priori-thé les poissons (d'avril) de saison. Espérant que cela ne posera pas de difficul-thé aux enti-thé de restauration qui nous accordent l’hospitali-thé, et qu’ils sauront faire preuve de créativi-thé pour s’adap-thé à cette demande de Grands Crus dudit thé sans rien o-thé à leur personnali-thé. Par ailleurs, sache(t) que j’envisage en toute confidentiali-thé de me déles-thé de ma collection de flacons répu-thés bien empaque-thés pour acquérir une grande quanti-thé de sachets des meilleures quali-thé de cette autre boisson apportant vitali-thé et séréni-thé. Les initiés fu-thés qui profiteront de cette belle opportuni-thé d’étoffer leur cave(i-thé) n’auront pas à le regret-thé. Convaincu que cette décision d'une infinie pénibili-thé, même si certaines relations en seront fort dépi-thé, sera respec-thé par la majori-thé qui fera preuve de magnanimi-thé, eu égard à la véraci-thé de la calami-thé dont je suis affec-thé. Pourvu simplement qu’elle ne provoque pas l’hilari-thé ou l'agressivi-thé dans toute la communau-thé dionysienne, ni une sentence d'indigni-thé par les autori-thé de la ci-thé ou la papau-thé, au risque d'être discrédi-thé à perpétui-thé. Avec mes civili-thé d'une grande sincéri-thé empreinte de complici-thé et conviviali-thé - Rémi J. - Sommelier en Thés (mais pas han-thé) PS – Si tu veux bien patien-thé je te communiquerai, dès que je les aurais lis-thé, le détail des flacons discoun-thé parmi lesquels tu sauras dégo-thé avec ta légendaire sagaci-thé ceux d'une grande rare-thé qui seront plébisci-thé pour passer à la postéri-thé.

Je n'ai pas la vani-thé de suppu-thé que cette chronique quelque peu déjan-thé soit un chef d'oeuvre lit-thé-raire, ni qu'elle fera l'unanimi-thé au pays de la Liber-thé/égali-thé/Fraterni-thé. Au moins vous aura-t-elle appor-thé un peu de gaie-thé en ces temps tourmen-thé pour l'humani-thé, surtout si vous étiez ali-thé ou pas d'humeur à plaisan-thé. Avant de vous quit-thé pour le repos bien méri-thé de ma cérébrali-thé, je vous donne rendez-vous d'ici quelques nui-thé pour fê-thé avec spontanéi-thé les 65 annui-thé (une éterni-thé!) d'un thé-ophile pas encore retrai-thé. Nous trinquerons dans la félici-thé et sobrié-thé à notre longévi-thé et prospéri-thé, en espérant mourir en odeur de sainte-thé et avant d'être peut-être un jour réscusi-thé...

RJV 

20.3.23

Escapade Mer & Gastronomie Pointe sud Pays Bigouden

 Les Vagues, le Vin, la Vie... 

Ici mieux qu'en face
(nom d'un ancien café en face de la
prison de Fresnes !)
Cela faisait presque 10 ans, depuis la fameuse tempête Petra de février 2014 qui a laissé des traces (voir chronique sur mon blog et vidéo du célèbre Philippe Plisson) que je ne m'étais pas échappé en période hivernale vers le "Far ouest" de la France. Un fort coup de vent étant annoncé pour le lendemain, je décampe de Paris un dimanche matin ensoleillé en direction du Finistère. A cette époque, hors vacances scolaires, la région n'est habitée que par des autochtones qui, aux antipodes de leurs exubérants cousins Outre-Atlantique, vous accueillent avec la réserve des vieux marins mais établissent une relation cordiale dès que les premiers récifs sont franchis. Première escale au confortable Hôtel du Bac à sainte Marine où l'atmosphère respire le calme avant la tempête. La plupart des établissements réputés étant fermés le dimanche soir, je me replie sur le restaurant de l'hôtel : 29120 - BISTROT DU BAC - Cuisine régionale raffinée dans cadre maritime - 19 rue de bac - Sainte Marine - 02 98 56 34 79 - 02/23 - 45-65 € (C) - 4*5*4*4*5* (22/25) La journée de lundi a été consacrée à l'écoute du grondement croissant de la mer au fur et à mesure que le vent gagnait en intensité. A la tombée de la nuit, alors de que des gerbes d'écume jaillissaient sur les digues, je me suis réfugié à l'étage d'un établissement gravement sinistré par une "vague scélérate" le 5 février 2014 : 29760 - LES ROCHERS - La mer dans tous ses états dans l'assiette et par la fenêtre - Penmarc'h - 02 98 58 75 30 - 02/23 - 45-82 € (C) - 5*5*4*4*4* (22/25). 
Un Grand vingt-vingt Blanc comme l'écume
Les lendemains de tempêtes sont propices à des sessions exceptionnelles de glisse que permet la forte houle déferlant régulièrement sur le rivage. Après un bon café servi par Philippe, le fort sympathique patron amateur de bonnes bouteilles de la crêperie Le Rayon Vert, place au spectacle sur le spot de La Torche où quelques surfeurs chevronnés revêtus d'une combinaison intégrale étaient déjà à l'eau. Après tant d'émotions diner réconfortant au restaurant d'un agréable hôtel de front de mer :  LE STERENN - Cuisine régionale soignée face à la mer - 432 rue de la joie - Saint-Guenolé Penmarc'h - 02 98 58 60 36 - 03/23 - 44-67 € (C) - 4*5*4*4*4* (21/25) qui fera peau neuve en fin de saison. Mercredi, quelques emplettes de conserves fines à la Compagnie Bretonne dans sa chaleureuse "boutique écrin" du port de Saint Guénolé. Pour le repas du soir cap sur un restaurant, conseillé par tous mes interlocuteurs depuis le début de mon séjour, ouvert par un charmant jeune couple durant la crise sanitaire Son enseigne est l'homonyme d'un vin de Pauillac dont le Maître de Chai (Jack Fardègue), était le grand-père du Chef : 29760 - LE HAUT-LINAGE - Bistronomie bretonne vivifiante et raffinée dans cadre lumineux à l'abri du phare d'Eckmuhl - Place du Maréchal Davout - Penmac'h - 02 98 90 77 38 - 03/23 - 4*5*5*4*5* (23/25). Ce jeune établissement a tout pour devenir un Grand Cru. Dernière étape  à Bénodet avec nuitée à l'hôtel Le Cornouaille offrant un remarquable rapport Qualité/Prix. Pour conclure crescendo cette savoureuse virée, je m'égare dans un premier temps au coeur d'une zone industrielle et commerciale du sud de Quimper mais, guidé par une bonne étoile (Michelin), parviens "à bon porc" où je suis accueilli par la dynamique propriétaire (Frédérique Hénaff) véritable "passionaria du vin"  : 29000 - ALLIUM (Michelin 1*) - Bouquet nature et "effet mer" sublimé par cuissons millimétrées dans cadre spacieux moderne - 88 boulevard de Créac'h Gwenn - 02 98 10 11 48 - 90-125 € (M) - 4*5*5*5*5* (24/25). Les établissements cités sont dorénavant recommandés dans la rubrique Restaurants à L.A.I.S.E. du Blog (en bas à droite de la page d'accueil) où ne sont sélectionnés que ceux que j'ai appréciés. A l'issu de ce mémorable bol d'air marin, difficile de prendre le chemin du retour vers les effluves parisiennes nauséabondes en ces temps de grève des éboueurs, en attendant le prochain avis de Force 10 sur les côtes bretonnes. A l'approche du printemps où beaucoup de citadins ne rêvent encore que de sports d'hivers, il ne fait aucun doute que "la Bretagne ça vous gagne"...
RJV

24.2.23

Le 272ème Wine-dinners

Un repas presque parfait

François Audouze, le bien surnommé "Pape des Vins Anciens" avait choisi l'une de ses cantines préférées, le restaurant étoilé Garance (dont il est le "parrain") discrètement niché à proximité des invalides, pour accueillir les participants de cette soirée du 23 février 2023.  Polytechnicien (X 1961), doté d'un tempérament d'acier sous une personnalité de velours, comme en atteste, après un brillant parcours de dirigeant dans le secteur sidérurgique, sa réussite dans la constitution d'une des plus impressionnantes collections de vieux millésimes au monde. A la différence du célèbre Michel-Jack Chasseuil retranché avec un trésor de 50 000 quilles rares dans son bunker deux-sévriens qu'il rêve, tel le "Facteur cheval du vin", de transformer en musée (si ce n'est son mausolée), François n'aspire qu'à partager le plaisir d'ouvrir ses flacons d'exception dans l'écrin d'établissements gastronomiques soigneusement sélectionnés. Être à ses côtés lorsque l'opportunité se présente n'est certes pas à la portée de toute les bourses, mais reste largement plus abordable que les prix stratosphériques atteints par certaines des 12 bouteilles (10 "titulaires" et 2 "remplaçantes") ouvertes jeudi dernier. Ce soir-là 9 privilégiés avaient pris place autour de François dans le salon privé du restaurant, dont un couple de touristes américains passionnés originaires de l'Idaho. Ces repas font l'objet d'un cérémonial immuable qui commence 4 heures plus tôt par l'ouverture des bouteilles dans le recueillement à l'aide de son inséparable "trousse chirurgicale" pour en extrait les bouchons souvent récalcitrants. Commence alors un fascinant ballet amoureux entre François et ses belles endormies qui vont lentement sortir une à une de leur torpeur sous le regard attendri de leur prince charmant d'un jour. Ce processus d'oxygénation lente ("méthode Audouze") aboutit la plupart du temps à la résurrection de bouteilles que la majorité d'entre nous auraient vouées à l'extrême onction en déversant leur inestimable substance dans l'évier dès les premières effluves peu avenantes ressenties à travers le goulot. 
Les équipes de Garance ont largement contribué à la réussite de cet évènement, par une interprétation spontanée des 5 critères d'appréciation des restaurants à L.A.I.S.E. (Lieu, Accueil, Inspiration, Saveurs, Ethique) de Gastronomie & Bien-être. En cuisine le jeune chef Clément Pécot a conçu, en totale concertation avec nôtre hôte, des assiettes élégantes et épurées aux saveurs franches basées sur des produits d'exception, qui ont sublimé chacun des vénérables nectars apportés par François. En salle, le Propriétaire-Sommelier Guillaume Muller a coordonné avec brio un service attentionné, efficace et souriant. Voici les 12 Vins qui nous ont enthousiasmé en accords avec les Mets, des amuse-bouches au dessert :  Champagne Muum Cuvée René Lalou 1979 / Brioche à la fleur de selChampagne Dom Pérignon 1988 / Huître et consommé de boeuf - "Y" vin blanc d'Yquem 1962,   Bienvenue Bâtard Montrachet Bouchard P&F 1960 / Coquille Saint Jacques, champignon de Paris - Château Haut-Batailley 1961, Château Léoville-Poyferrré 1959, Château Palmer 1937 / Homard sauce civet - Grand Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1967, Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1967 / Veau betterave fumée (un crémeux de topinambour aurait été mieux approprié) - Châteauneuf-du-Pape Château de Mont-Redon 1955 / Boeuf de la ferme Garance, purée de céleri - Château Chalon Jean Bourdy 1959 / Comté affiné - Château d'Yquem 1957 Tarte Tatin glace vanille. Avant de nous séparer arrive le moment de la traditionnelle élection des 5 vins préférés de la soirée. "On ne juge pas un vin mais on le comprend" répète inlassablement notre ami François. Message reçu 5 sur 5 par les convives puisque presque tous les vins tranquilles sont plébiscités avec un résultat serré du vote : 1er Grand Echézeaux (2ème pour moi), 2ème Château Palmer (3ème), 3ème Châteauneuf-du-Pape (1er), 4ème Bienvenu Bâtard Montrachet (NC), 5ème Château d'Yquem (5ème). La perfection n'est pas de ce monde, mais la vie nous gratifie d'instants magiques qui nous en rapproche ici-bas, comme cette mémorable soirée d'agapes subtiles harmonieusement orchestrée par le vénérable Président-Fondateur de l'Académie des Vins Anciens. 
RJV

10.12.20

Décès de Jacques Puisais le 6 décembre

 Le Pape du Goût est parti sous d'autres cieux

Souvenir d’un instant de convivialité en compagnie de Jacques, sous le regard complice de Marylin (M) qui a dû accueillir avec bienveillance un insatiable fervent de la prose et des verres. En quittant soudainement la « cène » à la fin de l’année « vin-vin », cet inoubliable poète de la gastronomie et philosophe de l’œnologie, issu du millésime 1927, aura commis une de ses bien rares « fautes de goût » tout en nous gratifiant d’une dernière pirouette spirituelle dont il avait le secret. Une vive émotion et un vibrant hommage partagés à  la nouvelle de son départ pour d’infinis "vents d’ange" dans les vignes du Seigneur…

28.6.20

Semaine revisitée des Primeurs de Bordeaux 2019

Promis au firmament après un long "confinement"

Rive Gauche
Succédant au report des Grands Jours de Bourgogne, un autre évènement majeur du monde du vin a été victime de la pandémie du Coronavirus. Chaque année la première semaine d’avril, plus de 5000 professionnels affluent habituellement du monde entier vers le vignoble bordelais pour goûter en avant-première les vins issus de la récolte précédente. C’est également la période où les négociants de la « Place de Bordeaux » peuvent réserver auprès des Châteaux, par l’intermédiaire de courtiers habilités et grâce à un système "d'allocations" basé sur la confiance, les Grands Crus en cours d’élevage qui ne seront livrés qu’environ 2 ans plus tard (1er semestre 2022 pour le millésime 2019). La tradition des Primeurs remonte au 18ème siècle, même si sa forme actuelle a été institutionnalisée au début des années 80 sous l’impulsion notable du Baron Philippe de Rothschild. Depuis les années 90 l’évènement est piloté par l’Union des Grands Crus de Bordeaux qui regroupe 134 propriétés sur les plus prestigieuses appellations. Le Sommelier émérite Alain Ségelle, surnommé « le Loup blanc », s’apprêtait à participer à sa 35ème campagne des Primeurs lorsque la nouvelle de l’annulation est tombée. Il lui a fallu 3 semaines de travail acharné pour recomposer sa propre semaine, comme il le faisait du temps où cette manifestation ne faisait pas encore l’objet d’une coordination entre les différents acteurs de la « Place ». En compagnie d’Abderrazak Boussaha (autre fin connaisseur des vins de Bordeaux), j’ai eu le privilège d’accompagner ce dégustateur hors pair dans un véritable rallye de 5 journées à travers les vignobles. L’objectif affiché était de goûter (et recracher !) plus de vins que de kilomètres avalés sur les routes girondines, dans le scrupuleux respect des gestes barrières (et des limitations de vitesse !) : mission accomplie, au bout de 800 échantillons (bien loin cependant des 2500 d'avril 2016 pour les Primeurs 2015 !). En ce début de déconfinement "phase 2", nous faisions parties des rares parisiens à s’être déplacés sur site et avons bénéficié d’un accueil particulièrement attentionné des propriétaires et de leurs équipes. Sans "embouteillage", ni parking saturé, ni cohue cosmopolite, c’est dans le calme et la sérénité que nous avons découvert ce millésime tant espéré. A partir de notre hébergement amical à Fronsac chez le vigneron Paul Barre (pionnier de la biodynamie), nous avons suivi des itinéraires chronométrés entre Rive Gauche et Rive Droite (de la Garonne), à raison de 10-15 visites par jour dans les Châteaux et quelques Laboratoires d’œnologie qui nous ont permis de regrouper une partie de nos dégustations (remerciements à tous nos hôtes pour leur disponibilité en cette période compliquée !). En voici la chronologie avec la liste de tous les Grands Vins dégustés, majoritairement des Rouges en Grands Crus Classés (classement de 1855), celui du lieu de réception étant cité en premier pour chaque étape. La gamme des Vins Blancs (secs), parfois déjà mis en bouteille, nous a également été servie dans les Châteaux en produisant, notamment pour l'appellation Pessac-Léognan (3ème journée), ainsi que quelques liquoreux issus de domaines réputés appartenant au propriétaire qui nous recevait.

JOUR 1 (lundi 8 juin)1. Château Seguin (Pessac Léognan - Bio+) - 2. Laboratoire Oenoconseil de Pauillac : environ 70 échantillons Rouges et Blancs (secs et liquoreux) - 3. Laboratoire Œnologique Boissenot (Lamarque) : environ 50 échantillons Rouges - 4. Château Mayne Lalande (Listrac-Médoc)

JOUR 2 (mardi 9 juin) - 1. Château Lafite Rothschild (1er Cru Classé Pauillac) + sélections des Domaines Barons de Rothschild : Château Duhart-Milon (4ème CC, Pauillac) - 2. Château Mouton Rothschild (1er CC, Pauillac) + sélections des propriétés du Baron Philippe de Rothschild : ChâteauClerc Milon (5ème CC, Pauillac), Château d'Armailhac (5ème CC, Pauillac)  - 3. Château Montrose (2ème CC, Saint-Estèphe) +  sélections des propriétés de la Famille Bouygues - 4. Cos d'Estournel (2ème CC, Saint-Estèphe) + sélections de Michel Reybier - 5. Château Grand Puy Lacoste (5ème CC, Pauillac)  - 6. Château Haut-Batailley (5ème CC, Pauillac) + sélections des Domaines de la Famille JM Cazes : ChâteauLynch-Bages (5ème CC, Pauillac) - 7. Château Ducru-Beaucaillon (2ème CC, Saint-Julien) - 8. Château Langoa-Barton (3ème CC, Saint-Julien) + Château Léoville Barton (2ème CC Saint-Julien) - 9. Château Pontet-Canet (5ème CC, Pauillac - Biodynamie) - 10. Château Pichon Baron (2ème CC Pauillac) + sélections d'Axa Millésimes : Château Suduiraut (1er CC, Sauternes)  - 11. Château Lagrange (3ème CC, Saint-Julien - Biodynamie) - 12. Château Margaux (1er CC, Margaux) 13. Château Palmer (3ème CC, Margaux - Biodynamie) - 14. Château Dufort-Vivens (2ème CC, Margaux - essais en Biodynamie) + Château Ferrière (3ème CC, Margaux - Biodynamie) +  Château Haut-Bages (5ème CC, Pauillac - Biodynamie) - 15. Château Cantenac Brown (3ème CC, Margaux) - 16. Château Kirwan (3ème CC,Margaux).

JOUR 3 (mercredi 10 juin) - 1. Château Haut-Bailly Rouge (Grand Cru Classé de Graves, Pessac-Léognan) - 2. Château Haut-Bergey Rouge et Blanc (Grand Vin de Bodeaux, Pessac-Léognan - Biodynamie) - 3. Domaine de Chevalier Rouge et Blanc (GCC de Graves, Pessac-Léognan) + sélections d'Olivier Bernard - 4. Château Les Carmes Haut-Brion Rouge (Grand Vin de Graves, Pessac-Léognan) - 5. Château Pape Clément Rouge (GCC de Graves, Pessac-Léognan) et Blanc (Grand Vin de Graves) + Vins de Bernard Magrez : Château Fombrauge (GCC, Saint-Emilion), Clos de Haut-Peraguey (1er CC, Sauternes) - 6. Château Picque Caillou (Grand Vin de Graves, Pessac-Léognan) - 7. Château Belle-Vue (Cru Bourgeois Exceptionnel, Haut-Médoc) - 8. Château PichonLongueville Comtesse de Lalande (2ème CC, Pauillac - Biodynamie parcellaire) - 9. Château Meyre (Cru Bourgeois, Médoc - Bio) - 10. Château Siran (Margaux) - 11. Au domicile de Paul Barre :  environ 12 échantillons Rouge et Liquoreux  collectés chez Ulysse Cazabonne (Margaux) : Château Pavie Macquin (1er GCC, Saint-Emilion), Château Cos Labory (5ème CC, Saint-Estèphe), Château Chasse-Spleen (Moulis en Médoc), Châteaude Fargues Lur Saluces (Sauternes). 
Nous en avons presque fini avec les visites Rive Gauche, sans avoir eu le temps de descendre dans le Sauternais où nous étions pourtant les bienvenus. En guise d'intermède, avant de passer Rive Droite, quelques remarques techniques susceptibles d'intéresser le professionnel comme l'amateur éclairé. Tout d'abord nous avons unanimement observé de sensibles variations de nos appréciations gustatives entre le lundi (temps chaud et lourd) et le mardi (temps frais et sec), confirmant l'affirmation de Pascaline Lepeltier (Meilleure Sommelière de France 2018) que "ce qui influence le plus la dégustation est la pression atmosphérique". Les hautes pressions de la 2ème journée ont nettement amplifié les qualités (et les rares défauts !) aromatiques des vins. Pour la mise en valeur de vins primeurs, aux Indices de Polyphénols Totaux (tanins, anthocyanes…) frôlant parfois les records en 2019, les 2 verres les plus utilisés dans les propriétés sont le Zalto "à Bordeaux"  et le Sydonios "Esthète" (mon préféré). Grâce à leurs caractéristiques techniques, notamment une grande capacité et un large buvant, ils favorisent une oxygénation rapide et maîtrisée pour mieux révéler les saveurs de ces "bébés" encore en gestation. Il faut également tenir compte que les 2 mois de décalage par rapport au calendrier habituel des Primeurs ont permis aux vins de mieux se stabiliser après les fermentations. 

JOUR 4 (jeudi 11 juin) - 1. Château Canon La Gafellière (1er GCC, Saint-Emilion) + sélection des Vignobles Comtes Von Neipperg : La Mondotte (1er GCC, Saint-Emilion), Clos de l'Oratoire (GCC, Saint-Emilion) - 2. Château Troplong Mondot (1er GCC, Saint-Emilion) - 3. Château Figeac (1er GCC, Saint-Emilion) - 4. Château l'Evangile (Pomerol) - 5. Château l'Angélus (1er GCC A, Saint-Emilion - HVE 3) + sélection Famille de Boüard de Laforest : Château Bellevue (GCC, Saint-Emilion) - 6. Château La Confession (GC, Saint-Emilion) + sélection des Domaines de la Famille Janoueix : Château Haut-Sarpe (GCC, Saint-Emilion), Château La Croix Saint Georges (Pomerol) - 7. Château La Tour Figeac (GCC, Saint-Emilion - Biodynamie) + Château Grand Corbin-Despagne (GCC, Saint-Emilion - Biodynamie) - 8. Laboratoire Michel Rolland (Pomerol) : sélection d'environ 60 échantillons dont Château Lascombes (2ème CC, Margaux) - 9. Château Beau-séjour Bécot (1er GCC, Saint-Emilion) - 10. Château de Pressac (GCC, Saint-Emilion - Bio NC) + environ 40 échantillons du Grand Cercle des Vins de Bordeaux 11. Derenoncourt Consultants (Sainte-Colombe) : environ 30 échantillons (Bio en majorité) - 12. Oeno Lab / Hubert de Boüard Consulting (Montagne) : environ 50 échantillons.

JOUR 5 (vendredi 12 juin) - 1. Château Cheval Blanc (1er GCC A, Saint-Emilion), Le Petit Cheval (GCC, Saint-Emilion) - 2. Château La Conseillante (Pomerol) - 3. Château L'Eglise Clinet (Pomerol) + sélection vignobles Denis Durantou - 4. Château Clinet (Pomerol) + sélection de Ronan by Clinet - 5. Vieux Château Certan (Pomerol) - 6. Château La Fleur de Gay (Pomerol)- 7. Château Quintus (GC, Saint-Emilion) + sélections Domaine Clarence Dillon Rouges et Blancs : Château Haut Brion (1er GCC, Pessac-Léognan) - 8. Jean-Baptiste Audy (Négociant, Libourne) : environ 50 échantillons - 9. Château Tertre Roteboeuf (GC, Saint-Emilion) + sélection à base de Merlot de la Famille Mitjaville - 10. Château Tayac (Côtes de Bourg) : échantillons de cuves non assemblées + sélection de plusieurs millésimes de la Cuvée Prestige.
Rive Droite
Pour plus de détails et avis sur chacune des cuvées mentionnés ci-dessus, se référer aux copieux commentaires Primeurs de mon compère Alain Ségelle (alainsegellewines@yahoo.fr) qui se fera une  joie de vous les transmettre et de vous faire profiter des "allocations" dont il bénéfice sur plusieurs d'entre elles (il n'y en aura pas pour tout le monde !), ainsi que sur des vins à l'étiquette moins alléchante mais offrant d'excellents rapports Qualité-Plaisir/Prix. Si personne ne s'aventure à qualifier 2019  de "millésime du siècle" quelques éminents spécialistes n'hésitent pas à évoquer une parenté avec d'illustres prédécesseurs en "9" comme le "légendaire" 1929 ou le "très grand" 1959. Tout le monde s'accorde cependant pour reconnaître des conditions climatiques optimums qui ont facilité l'élaboration de vins présentant un équilibre quasi parfait entre fraîcheur et concentration, pureté et complexité, finesse et puissance, buvabilité et potentiel de garde. On le retrouve plus particulièrement dans les Grands et  Seconds vins rouges, notamment lorsqu'ils intègrent des parcelles ayant bénéficié avant vendanges des 30 mm des pluies providentielles tombées juste après l'équinoxe et qui ont tempéré les degrés alcooliques. Rarement Cabernets Savignons et Merlots avaient formé des couples aussi fusionnels, sublimés par des Cabernets Francs à leur apogée et des Petits Verdots épanouis. Dans certaines cuvées des 2 Rives, on retrouve des arômes gourmands de cacao mentholé, surement une réminiscence originale du "so british After Eight" ! Egalement bénéficiaires de ce contexte global favorable, les Blancs secs affichent un profil fort harmonieux quoique plus classique. Les quelques liquoreux goûtés offraient de voluptueuses notes miellés et confites, pour de savoureux accords avec une tarte au citron meringuée ou des pâtisseries orientales, le passerillage ayant vraisemblablement pris le dessus sur un botrytis tardif apparu vers la mi-octobre pour les dernières tries. En plus de la remarquable homogénéité de ce "millésime d'équilibriste" sur tous les secteurs, on apprécie les progrès qualitatifs réalisés ces dernière années. De nombreux Domaines s'orientent vers une viticulture et des vinifications plus respectueuses de l'environnement et des consommateurs, en adoptant le label HVE ou la conversion progressive en bio (et parfois en biodynamie). Ronan Laborde, le sympathique et dynamique nouveau Président de l'UGCB (élu en février 2019), affirmait dans une récente interview au journal Le Figaro que "d'ici quelques années nous serons tous en bio". Tout en restant fidèle à l'identité des appellations, les Propriétés s'attachent à révéler l'identité de leurs terroirs ("à la Bourguignonne" !), interprétée en fonction du style propre à chacune d'entre elles. Indéniablement cette démarche vertueuse à la vigne et au chai se traduit dans le verre, n'en déplaise à l'honorable mais controversé "Mister Parker", par des goûts plus nets ainsi que des vins plus vibrants et digestes. Formons des vœux pour que cette louable (r)évolution inspire dans l'avenir l'essentiel de la production (des Crus Bourgeois aux "Bordeaux génériques"), encore trop souvent altérée par le surdosage en soufre, l'abus de levures sélectionnées et un boisé trop marqué. Des prix de mises en marché de 5 à 30% inférieurs au millésime précédent, avec des rendements dans une bonne moyenne (autour de 40 hl/ha), sont autant de bonnes raisons pour mettre en cave ces nectars. A l'issue d'un printemps bouleversé par la crise sanitaire des humains, les vignerons girondins sont déjà confrontés à la pression sanitaire sur le matériel végétal (menace de mildiou suite aux violents orages de début mai) avec un millésime "vin-vin" s'annonçant d'une rare précocité. Sans être devins, nous sommes repartis du Bordelais conquis et convaincus de l'avenir prometteur de ces Primeurs 2019 que nous n'aurons pas dégustées en vain...

25.3.20

Les Petites Journées en Bourgogne "Vin-Vin"

Rencontres intimistes avec les Alchimistes des Climats

L'annulation, inédite depuis leur création en 1992, pour cause de Coronavirus des Grands Jours de Bourgogne initialement prévus du 9 au 13 mars (et reprogrammés en 2021) à fait l'effet d'un coup de tonnerre dans le monde du vin. Ce prestigieux salon itinérant, pour lequel j'avais bénéficié d'une accréditation "presse" en 2018,  accueille tous les 2 ans environ 2500 professionnels accourus des 4 coins du globe. Le moment de sidération passé, à peine rentrés d'une mémorable immersion au firmament des fines bulles champenoises en compagnie du passionné Expert-Consultant en Gastronomie Manuel Da Motta Veiga, nous décidons de reprendre la route en direction du sud à l'initiative de mon infatigable compère Sommelier émérite Alain Ségelle (Monde Vivant du Vin)
JOUR 1 Sous de froides averses, première escale au Domaine Alain Vignot à Paroy-sur-Tholon (89), exploitation cultivant 12 ha de vignes essentiellement sur la Côte Saint-Jacques, une appellation méconnue à l'extrême nord du Grand Auxerrois : savoureux Pinot Gris ("Beurot") 2019 à petit prix. Nous enchaînons avec le Domaine Pascal Henry (15 ha), à Saint-Cyr-les-Colons en bordure du sud-ouest chablisien, chaleureusement accueillis par son épouse Pascale : l'occasion d'un premier Chablis 2019 tout juste mis en bouteille mais goûtant déjà remarquablement bien. Pause déjeuner bienvenue à La Beursaudière (89 - Nitry), une auberge de charme proposant des desserts exquis comme "La rose des sables" (brownie et ganache noisette, fines feuilles de chocolat et gavottes citron). Requinqués par ce repas, nous repartons pour Vosne-Romanée, saint des saints de la Côte de Nuits, où le Domaine Armelle et Bernard Rion avait improvisé une belle dégustation de "copains vignerons" : parmi les 12 cuvées produites par les maîtres des lieux, un coup de cœur pour la souplesse veloutée du Pernand-Vergelesses Rouge "Les Boutières" 2018. Puis direction Beaune pour rejoindre notre habituel Q.G. Au Raisin de Bourgogne, chambres d'hôtes avec petit-déjeuner gastronomique incontournable concocté par le truculent ex-Chef Didier. Une fois arrivés à "bon porc", nous mettons le cap vers le restaurant Le Goret qui peut se targuer de ne plus proposer d'entrées tellement les plats de cochonnailles sont copieux et gourmands !
JOUR 2 C'est à Villers-La-Faye, un bourg situé en Hautes Côtes entre Nuits-Saint-Georges et Beaune, qu'Arnaud Boué a décidé de mettre à profit son expérience de Responsable Technique d'Exploitation pour créer son activité de Négociant-Vinificateur. Privilégiant des partenariats avec des vignerons respectueux de la nature et des terroirs (bio, biodynamie) il compose chaque cuvée comme une oeuvre dans son mini-chai s'apparentant à un atelier d'artiste : excellent Nuits Saint-Georges 1er Cru "Les Chaboeufs" 2018 (échantillon sur cuve). Dans le cadre des Grands Jours de Bourgognes, une série de dégustations "off" avait été programmée dont quelques-unes ont été maintenues pour notre plus grand bonheur. Les Tontons Trinqueurs réunissait au Domaine Chantal Lescure (18 ha certifiés en bio) à Nuits-Saint-Georges une bonne trentaine de vignerons, issus à parts égales de Bourgogne et des autres vignobles de France, attachés aux valeurs de partage et de convivialité. Un des partenaires de l'évènement était les verres Sydonios, dont le design éthéré associé  à une grande précision technique subliment la finesse et l'énergie des vins. Puis, dans la même veine, la Punition Collective organisée dans le chai du Domaine Françoise André à Beaune (7,5 ha en approche biodynamique) autour de 25 vignerons, dont la moitié de non-Bourguignons. Ambiance chaleureuse agrémentée par un généreux buffet. La soirée s'est achevée par un verre au "Bout du Monde", bar beaunois affichant une carte des vins et alcools (plus de 40 références de Rhum !) impressionnante.

JOUR 3 Premiers cas d'infection au Covid-19 détectés dans la région mais, en cette fin d'hiver trop doux, les viticulteurs semblent plus préoccupés par la menace d'un gel survenant après un réveil végétal précoce. En début de matinée visite de la Maison Louis Picamelot à Rully (71), spécialisée depuis 1926 dans la production de "Bourgognes mousseux" de haute qualité (300 à 350 mille cols par an). Le bâtiment rénové, hébergeant les bureaux et les caves en étage adossées à la falaise, évoque une cathédrale futuriste élevée à la gloire de Dionysos : belle gamme de Crémants aux dosages judicieux et sulfitages modérés (50 mg/l en moyenne), dont plusieurs millésimés n'ayant rien à envier à des bons Champagnes. Au bout d'une douzaine de kilomètres en direction de Châlon-sur-Saône, nous arrivons à Dracy-le-Fort au Domaine Deliance, accueillis par la sympathique Perrine, représentant la 3ème génération. Le cadre est beaucoup plus sobre que celui de notre visite précédente, mais les bulles des Crémants sont tout aussi fines et soyeuses :  un test comparatif nous prouve que les  Blancs de Noirs sont beaucoup plus expressifs dans un verre à vin que dans une flûte, et le Givry (Rouge) 1er Cru "Clos de Servoisine" 2018 nous fait saliver à l'approche de midi par l'évocation d'un possible accord original avec une volaille sauce cacao. Au nord de la Côte Chalonnaise, arrêt à Mercurey au Domaine Duvernay P & F (œnologue = fille Floriane) où nous retrouvons dans le nouveau caveau panoramique de dégustation de joyeux touristes québécois : parmi les nombreuses cuvées primées, le Mercurey rouge "Floriane" 2015, médaille d'or du concours Féminalise 2017 séduit par son intensité aromatique non dénuée de finesse. Retour sur Beaune pour un mémorable "off" non programmé des Climats de la Côte Châlonnaise dans l'ambiance recueillie de la Cave du Couvent des Cordeliers (13ème siècle). Une dizaine de vignerons y présentaient une sélection de leurs meilleures cuvées, dont plusieurs Blancs 2017 confirmant leur subtil profil gastronomique (déjà détectable sur les échantillons tirés sur cuve en 2018) et Rouges 2016 affirmant leur potentiel de garde. Rencontre avec Pierre de Benoist qui conduit depuis 2003, avec la même ferveur discrète que son illustre oncle, le Domaine (A. et P.) de Villaine acquis en 1971 par ce dernier : son Bouzeron 2018 dévoile tous les charmes de l'aligoté doré, mais nous fait surtout prendre conscience de l'importance du sens de rotation du nectar dans le verre car, comme aurait pu l'affirmer le Petit Prince de Saint-Exupéry, "on ne boit bien qu'avec le cœur". Sur un plan vibratoire, on saisit mieux que l'entrée en résonance de l'essence d'un vin avec  le squelette, notre ultime incarnation terrestre, conditionne son accès à l'âme (une simple "histoire d'os" en fait !). En soirée, la modeste appellation Monthélie (encadrée par celles de Volnay et Meursault), organisait sa dégustation King Size dans le bar La Parenthèse : les Blancs et Rouges, Village et 1er Crus, amenés par 5 amis vignerons motivés ont fait honneur à leurs 2 prestigieux voisins, et les gaufres (maison) au vieux gouda ont contribué, par une agréable touche sucrée-salée, à la réussite gustative de l'évènement.

JOUR 4 Une douce lumière baigne enfin les côteaux. Au cœur de Beaune, nous sommes reçus (en respectant des "gestes barrières" !) à la Maison Louis Jadot, vénérable institution du négoce bourguignon, par Nicolas Dupuis, responsable export Amérique du Sud; la visite étant initialement prévue pour un talentueux jeune confrère Sommelier péruvien (Erick Calienes) qui a dû anticiper son retour avant la fermeture des frontières. Les installations de vinification et de conservation des vins sont monumentales, à l'image du récent chai construit sur le nombre d'or. La gamme couvre de nombreux Climats de Chablis au Beaujolais, des Bourgognes génériques au Grands Crus, avec la volonté de valoriser ces terroirs dans la durée : silence respectueux à l'ouverture du Clos Vougeot 2012 encore dans sa  prime jeunesse (rendez-vous dans 10 ans ou plus !). Notre virée inopinée se conclut par une escale  à Morey-Saint-Denis, haut lieu de la Côte de Nuits, dans l'intimité de la cave du Domaine Alain Jeanniard (4 précieux ha à 80% en bio). Assisté par son collaborateur Alexis, Alain est un orfèvre de l'assemblage, comme nous avons pu l'apprécier au travers de 8 cuvées 2019 (tout en équilibre raffiné) encore en fûts et de 8 vins en bouteilles sur les millésimes 2016, 2017 et 2018 (tout en séduction gourmande) : frisson d'émotion en goûtant le Bourgogne Rouge "Quintessence" 2017 alliant la puissance d'une parcelle de Chambolle et la minéralité de celle des  Hautes-Côtes-de-Nuits. En guise de bouquet final, un ratafia Solera 2002, à base de marc 1984 et de fine Pinot Noir "de la grand-mère", mélangés avec du jus de Chardonnay. 
De retour en région parisienne, juste à temps pour le confinement général, j'ai le sentiment de ne pas rédiger cette chronique en vain car, tout compte fait, nos 4 Petits Jours "20-20" ont (presque) tout des Grands....

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