Tapis rouge pour l'Empire Céleste et ses vignobles stars
Créé à l'initiative des experts oenologiques Bettane+Desseauve ce salon incontournable est devenu au Vin ce que le Festival de Cannes est au cinéma. En 2025 (année du Serpent de Bois) pour la 20ème édition, plus de 300 producteurs réputés, français et étrangers, sont venus faire découvrir 2 jours durant certaines de leurs meilleures cuvées à quelques 13.000 visiteurs professionnels et amateurs passionnés prêts à faire la queue du dragon pour accéder aux spacieuses salles de dégustation et 35 masterclass dans l'enceinte du Carrousel du Louvre. Vendredi dernier, tout a commencé par une mise en bouche en compagnie d'un couple d'amis (Emmanuel et Maria) cavistes indépendants dans mon arrondissement de naissance (Vinalliance - Paris 14) chez leurs fournisseurs de Champagne, suivie d'une escale sur le stand de Château Climens dirigé par le sympathique Jérôme Moitry pour savourer les excellents secs et liquoreux du "Seigneur de Barsac". Toujours avide de découvertes, cap à l'Est en direction des 2 espaces chinois regroupant 14 domaines originaires principalement la région autonome du Ningxia (centre-nord) et de celle du Xinjiang (nord-ouest) 3 fois grande comme la France. La présence de gracieuses hôtesses de terroir au millésime indéfinissable derrière leur sourire énigmatique, dont certaines s'exprimaient en bon français, n'était pas le seul point d'attraction pour un Sommelier de l'Ouest. Les cuvées présentées par les exposants emportaient les suffrages tant par leur variété que leur qualité. Les cépages utilisés sont essentiellement internationaux (Chardonnay, Riesling "italien", Cabernet Sauvignon et Franc, Merlot, Pinot Noir) Présentés à la dégustation il y avait des effervescents finement dosés, des Blancs gastronomiques, un rosé envoûtant aux parfums de rose (cépage local), des rouges aux élevages variés (cuve inox, barriques neuves et/ou anciennes) bien structurés avec un beau potentiel de garde; vraiment rien à jeter.
Je me suis plus particulièrement attardé au stand du renommé Tiansai Vineyards (Xinjiang, Préfecture mongole de Baying'gholin) sur lequel un couple parfaitement bilingue (Henry et Tingting) était venu assister amicalement la propriétaire Lizhong CHEN et sa fille Lily ZHU (dîplomée d'une école de commerce de Bordeaux). Femme d'affaire née en 1968 sous le signe ingénieux et opportuniste du Singe de Terre, passionnée de photographie et ayant fait carrière dans la justice et l'automobile, elle crée en 2010 ce domaine situé à 1100 mètre d'altitude. Quand on admire l'écrin montagneux où s'étend le vignoble sur 187 ha de sol sablo-limoneux et pierreux, on comprend mieux sa devise "La nature a des frontières, la beauté n'en a pas". Le climat continental aride, tempéré par la proximité du Lac Bosten, exige néanmoins la protection des ceps sous 65 cm de terre pendant la période hivernale glaciale et une irrigation l'été grâce à l'eau des montagnes Tian Shan. Le premier coup de foudre de Mme CHEN pour le monde du vin fut un Château Haut Brion 1998, même si elle se rêvait plutôt à l'époque en Grand Cru bourguignon. J'attribue la palme dans la gamme Tiansai (intégralement en bio) à la Méthode Traditionnelle BdB 2017 élevée 8 ans sur latte qui n'avait rien à envier à de très bons Champagnes, et au Rouge 2021 100% Marselan d'une belle complexité et profondeur qui à l'aveugle n'aurait pas été éclipsé par un Ao Yun (propriété de LVMH dans le Yunnan) malgré son prix nettement inférieur.
Il faut dire qu'ici les autorités encouragent pleinement le développement des entreprises viticoles privées et ambitionnent que la région devienne la "Nappa Valley chinoise". Comme l'affirmait dans un récent éditorial le Financial Time “Il n’y a rien que la Chine veuille importer, rien qu’elle ne pense pouvoir fabriquer mieux et moins cher, rien pour lequel elle veuille dépendre des étrangers un jour de plus que nécessaire.” Alain Peyrefitte, éminent homme politique et ministre français, aurait pu intituler le fameux essai qu'il publia il y a un demi-siècle "quand le géant viticole oriental qui sommeille s'éveillera, le vieux monde occidental trinquera (tchine-tchine !)"...
RJV


