Le Plaisir ET la Forme

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8.12.23

Dîner Mythique du Petit Nicolas de Paris

 Un avant-goût des gouttes de Dieu

Depuis plusieurs années je suis un fidèle des soirées thématiques organisées par Nicolas Nguyen dans différents établissements de restauration parisiens. Sommelier de son état au Café Latin, restaurant sympathique et sans prétention situé dans le quartier éponyme, c'est en organisant ces évènements que ce personnage réservé de nature révèle tous ses talents et partage pleinement sa passion pour la gastronomie. Il ne cache pas son amour presque inconditionnel pour certains crus bordelais (rives droite avant tout mais aussi rive gauche de manière moins éclectique), les vins de la Vallée du Rhône méridionale et ceux de sa Provence natale (notamment le respectable Domaine Gavoty), ni son incompréhension (c'est un euphémisme !) pour les vins issus du pinot noir bourguignon (une conversion miraculeuse n'étant cependant pas exclue !). Fin octobre, avisé que je possédais quelques crus 2007 du Domaine de La Romanée Conti, acquis il y au une douzaine d'années sur les conseils visionnaires de l'ami Bruno Quenioux ("l'homme qui parle à l'oreille d'Aubert de Villaine"), il me demande si on ne pourrait pas organiser ensemble le 6 décembre, jour de la Saint-Nicolas, un dîner haut de gamme sur ce millésime atypique relativement sous-estimé par les critiques oenologiques. Un partenariat entre un homme de chiffres (il se plait à répéter qu'il a une calculette à la place du coeur) et un homme de lettres (qualité que l'on m'attribue) étant de bonne augure, je donne mon accord à condition que le prix en reste accessible à des amateurs passionnés (moins de 500€). Pour mieux apprécier cette limite, il faut savoir que ceux qui aspireraient à déguster au cours du même repas dans un restaurant étoilé les 5 flacons prestigieux initialement choisis, auxquels nous avons rajouté un blanc et un rouge "mystères", ne s'en tirerait pas à moins de 1000 euros par personnes (sous réserve de partager la note entre une dizaine de convives !). Assez rapidement les 8 places invités (en plus de Nicolas et moi) sont réservées par des relations amicales ayant saisi le caractère exceptionnel de cette opportunité. Le Jour J, nous nous retrouvons à 8 hommes et 2 femmes (proportion quasi idéale ?) autour de la grande table dressée au centre de la salle privative du bistrot gastronomique Le Jéroboam, situé dans le 14ème arrondissement, à quelques centaines de mètres de mon lieu de naissance. Le menu truffe à été préalablement concocté avec le talentueux Chef Yann Le Port pour valoriser les nectars servis et se décline ainsi : 1) Ravioles de langoustine et sa bisque truffée  / Champagne « Blanc des Millénaires », Charles Heidsieck 2) Noix de Saint-Jacques grillées, jus de crustacé truffé / Chablis 1er Cru Vaillons, Domaine Vincent Dauvissat + Meursault, cuvée Maurice Chevalier, Remoissenet Père & Fils 3) Paleron de bœuf confit sauce à la truffe et sa purée truffée / Grand Echézeaux, Domaine de la Romanée Conti + Saint-Estèphe 2ème Cru Classé, Cos d’Estournel + Châteauneuf Du Pape, Château de Beaucastel 4) Lemon curd, sablé breton et son sorbet ananas / Sauternes 1er Cru Classé Supérieur, Château d’Yquem.
Quelques précisions et impressions marquantes sur les vins dégustés et leurs accords avec les mets. 1) Le "Blanc des Millénaires" 2007 est seulement la 7ème édition depuis 1983 de la "cuvée de légende" de la maison Charles Heidsieck. Ce B de B particulièrement gastronomique aurait pu nous accompagner jusqu'au dessert. 2) Le Chablis 1er Cru a été pendant un moment dominé par la puissance boisée du Meursault, mais une grande bouffée d'air lui a permis de retrouver son rang et de ramener le Côte de Beaune à un rôle honorable de faire-valoir, tout en s'harmonisant avec les Noix de Saint-Jacques 3) Sur le Paleron de boeuf la concurrence entre les 3 rouges s'annonçait rude. Mais la finesse du Grand Echézeaux, sur un millésime plus que discret, aurait été plus à son aise sur un joli poisson grillé ou une volaille truffée. L'opulent Saint-Estèphe s'est marié parfaitement avec la viande, tandis que le Châteauneuf-du-Pape, seul flacon que nous avons décidé de carafer, a brillé du haut de ses 13 cépages par sa complexité aromatique et sa longue trame tannique délicate. En guise de pré-dessert, j'avais décidé d'offrir 2 carrés d'une tablette de chocolat 72% "Kilombero Valley" pure origine Tanzanie, médaillée au dernier Festival Sens & Chocolat et élaborée en "Bean to Bar" par Olivier Mauchand à la Manufacture Diggers à Lyon. J'avais demandé aux participants de garder une gorgée du du vin du DRC pour expérimenter un accord audacieux avec ce chocolat noir aux étonnants arômes de rose (l'un des marqueurs de la Romanée Conti, avec le sel). L'alchimie a opéré en apportant au vin le supplément de fruité qui lui avait manqué sur le plat. Pour parachever le festin le "roi Yquem", dans la lignée du grandissime 1967 et du subtil 1997,  a mis tout le monde d'accord car ce qui caractérise les plus Grands Crus est bien leur aptitude à se suffire à eux-mêmes lorsqu'ils approchent de leur belle maturité, et à vous combler de bien-être à chaque gorgée sans jamais fatiguer votre palais. Difficile de se séparer après tant d'émotions gustatives, non sans avoir remercier "Nico" de son heureuse initiative. Il lui reste encore un rêve à accomplir, celui de figurer un jour dans son manga préféré au côté de l'une de ses idoles Château Le Puy, un Francs Côtes de Bordeaux en biodynamie dont le millésime 2003 (cuvée "Barthélemy") fût désigné "meilleur vin du monde" dans le 23ème tome de cette bande dessinée nippone bien nommée Les Gouttes de Dieu.. RJ

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