Le Plaisir ET la Forme

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28.6.23

Dîner "Un verre de Pétrus sinon rien"

Rêve d'oenophile devenu réalité

Au fil des années, de nombreuses dégustations professionnelles et personnelles m'ont offert le privilège de goûter à plusieurs reprises la plupart des vins français les plus prestigieux : Dom Pérignon, Romanée Conti, Château d'Yquem, Château Margaux, Château Cheval Blanc, etc. Manquait au palmarès le mythique Pétrus, cuvée emblématique de l'appellation Pomerol, élaboré exclusivement à partir de Merlots d'une moyenne d'âge supérieure à 40 ans ancrés dans un terroir unique de 11,40 ha composé de graves et d'argiles bleues à taux élevé en fer. En décembre 2021 une opportunité s'était présentée avec la dégustation de la  "Caisse Collection Duclot" 2001 (un coffret dans lequel neuf des plus Grands Crus de Bordeaux sont réunis) organisée par l'école parisienne de dégustation Grains Nobles où sont dévoilées chaque année par Aubert de Villaine les dernières cuvées mises sur le marché du Domaine de la Romanée Conti. Comble de malchance le Pétrus était quasi-bouchonné, défaut affectant en moyenne entre 2 à 3% des bouteilles y compris les plus grandes cuvées. Pour me consoler de cette cruelle déception, je me suis mis en quête d'un flacon répondant à mes principales exigences : millésime excellent et à son apogée, bouteille en très bon état de conservation (niveau, capsule, étiquette) et prix acceptable. Après une longue recherche, j'ai jeté mon dévolu sur le millésime 1975 qui réunissait les faveurs des meilleurs experts. Jean-Claude Berrouet, le célèbre artisan-oenologue qui lui a donné naissance, considère dans un entretien de février 2023 à la Cité du Vin de Bordeaux (à partir de la 35ème minute) qu'il s'agit de son "millésime de référence". Déjà dix ans plus tôt, à la première édition de Vino Bravo en 2013, il déclarait que le millésime 1975 était celui dont il était "le plus fier". Ses propos trouvent plus récemment un écho enthousiaste auprès de François Audouze, Président-Fondateur de l'Académie des Vins Anciens, qui relatait dans un bulletin d'avril dernier la dégustation de cette cuvée au cours de son 273ème Wine Dinners : "A ce stade, les convives sont subjugués par la perfection de ces trois vins et par la pertinence des accords. Je les sens assommés par ce démarrage extraordinaire aussi la question est : la suite peut-elle être à ce niveau ? La réponse va venir du Pétrus Pomerol 1975 qui est d’une jeunesse folle, d’une mâche lourde aux grains de truffe noire et d’une longueur rare. Il est racé et le Rouget le met en valeur. Le Rouget avec Pétrus est une de mes coquetteries. Depuis que je présente Pétrus dans mes dîners, c’est toujours avec du Rouget. Aucun des convives n’imaginait qu’un tel accord puisse exister. La perfection du début de repas continue. "
L'envie m'est ensuite venue de partager (à prix coûtant) ce fabuleux nectar avec 5 amis oenophiles réunis autour d'un repas en complète harmonie servi dans un lieu propice au service de cette bouteille d'exception. Il fut donc décidé de revenir sur le "lieux du crime", le restaurant de Grains Nobles et plus, situé presque en face de l'église Saint-Séverin où mes parents se sont mariés le 4 juillet 1957. La boucle serait ainsi doublement bouclée. Nous voilà donc le jeudi 22 juin réuni à 6 autour de la table dressée dans le salon du bar privatisé pour l'occasion, à contempler le fabuleux flacon ouvert 4 heures auparavant en application de la méthode de "l'oxygénation lente" préconisée par François Audouze. Programme sur-mesure des réjouissances : MISE EN BOUCHE : Gougères au Comté du Chef / Champagne Mumm "cuvée René Lalou" 1975 ENTREE : Ceviche de Rouget (avocat, framboises…) / Champagne + Pétrus  PLAT : Tournedos Rossini (filet de bœuf sur pain brioché, foie gras frais, truffe noire du Périgord), pomme de terres rissolées et petits légumes / Pétrus DESSERT : Moelleux au chocolat noir, coulis de fruits rouges maison / Pétrus + Vieux Rhum de Plantation de la Martinique Trois Rivière 1975  DIGESTIF "de méditation" : Vieux Rhum Les convives ont été étonnés, par-delà le nez profond et subtil de truffe noire et la bouche exquisément soyeuse,  de trouver autant de fraîcheur fruitée dans un Pomerol de presque un demi-siècle. Parmi eux, l'éminent Sommelier Alain Ségelle (Monde Vivant du Vin) recordman de participation aux Primeurs de Bordeaux (survivant de sa 38ème campagne d'avril 2023 !) nous a avoué s'être réconcilié avec cette année 1975 dont il trouvait jusqu'à présent les vins plutôt secs et surévalués. Il a néanmoins précisé que pour un accord optimum avec le chocolat noir, il faudrait attendre que les tanins s'assouplissent encore un peu, ce qui en dit long sur le potentiel de garde de ce cru d'anthologie. A l'issu de cette soirée mémorable je me suis endormi avec le secret espoir de m'enivrer à nouveau d'ici quelques années des arômes encore plus sublimes et envoûtants de ce Pétrus 1975. Comme l'écrivait Jacques Brel "Je crois qu'on ne réussit qu'une seule chose, on réussit ses rêves"... RJV

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